Le bouddhisme - Bernard Faure

Bernard Faure est un des meilleurs spécialistes universitaires français du bouddhisme, en particulier japonais. Il enseigne aujourd’hui à l’université de Columbia à New-York. On lui doit une excellente mise au point sur cette religion, parue en 2004 dans la non moins excellente collection « idées reçues » des éditions du Cavalier bleu.

Dans ce petit livre, Faure examine une vingtaine d’idées reçues sur le bouddhisme. Par exemple : « le bouddhisme est une religion tolérante », « le bouddhisme n’est pas une religion mais une philosophie » ou encore « le bouddhisme récuse l’existence du moi ». S’appuyant sur une connaissance profonde des pratiques contemporaines et des sources, Faure montre que la religion qui est pratiquée aujourd’hui en Occident, que ce soit sous sa forme tibétaine ou japonaise (zen), est souvent assez éloignée des pratiques des populations d’Asie et constitue de ce fait ce que les spécialistes appellent un « néo-bouddhisme ».

Ce néo-bouddhisme est en quelque sorte une adaptation du bouddhisme à la mentalité occidentale contemporaine, marquée par la rationalité et par l’individualisme. Ainsi, Faure relève que le bouddhisme pratiqué en Asie est très attaché aux rituels, qu’il est souvent teinté de pratiques magiques destinées à obtenir les faveurs des divinités, que l’Eveil est souvent mis au second plan par les pratiquants qui recherchent avant tout des bénéfices mondains (succès, richesses, prestige), qu’il est aussi lié avec la politique et le nationalisme (par exemple au Japon et au Sri-Lanka), qu’il est une religion d’abord communautaire (la Sangha est un des trois Trésors) –ce qui hérisse fréquemment les individualistes que nous sommes en Occident, etc. Quant à la tolérance et au pacifisme pour lesquels le bouddhisme est réputé, Faure ne les nie pas, mais apporte quelques bémols basés sur l’histoire (l’implication des moines zen dans la politique impérialiste japonaise de la première moitié du 20e siècle, et la situation des femmes dans le bouddhisme, pour mentionner deux exemples).

Bref, ce livre permet une approche nuancée, fondée sur une description neutre et objective, qui questionne les pratiquants occidentaux, parfois (souvent ?...) pris dans une approche idéalisée de cette religion au point d’en faire une sorte de nouvelle spiritualité, assez éloignée de la pratique –très diversifiée !– des pays asiatiques. Et Faure de conclure : « Il faut sans doute se féliciter de cette nouvelle spiritualité, à la fois « plurielle » et « universelle ». Mais on peut aussi se demander pourquoi elle doit encore se réclamer du bouddhisme, et n’est pas simplement une forme, relativement modérée certes, de spiritualité de type « New Age ». D’un autre côté, au nom de quoi refuser à ceux qui s’en réclament le label bouddhiste ? N’ayant pas pour ma part cette autorité, je me contente de poser la question. »

Une question qu’il est sans doute utile de se poser en tant que pratiquant. Et le livre de Faure aide à le faire et ainsi à réfléchir sur sa pratique.

jean

Faure, B. (2004). Le bouddhisme. Paris : Cavalier bleu. 124 p.